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Dimitri PHILOPOULOS

Avocat et Docteur en médecine

Défense de victimes d'erreurs médicales
22 av. de l'Observatoire - 75014 PARIS
Tél. 01 46 72 37 80

Le traitement par hypothermie du nouveau-né atteint d'encéphalopathie anoxo-ischémique : le point de vue de l'avocat spécialiste


c'est quoi le traitement par hypothermie du nouveau-né

L’hypothermie thérapeutique est un traitement pour l'encéphalopathie anoxo-ischémique ( EAI ) périnatale de l'enfant né à terme ou près du terme.

Il s'agit d'une hypothermie contrôlée qui est mise en place avant six heures de vie et qui permet de réduire la sévérité des conséquences du manque d'oxygène subi pendant l'accouchement par l'enfant à naître.

Une revue systématique de 11 essais randomisés a conclu au bénéfice de l'hypothermie contrôlée chez le nouveau-né atteint d'une encéphalopathie par anoxo-ischémie.1

Les journaux ont ainsi parlé d'une véritable révolution dans le traitement de l'enfant né après un accouchement compliqué. Dans un article de presse, un médecin pédiatre autorisé a indiqué que2 :

« Dans ces situations cliniques, l'hypothermie a apporté une réponse inédite. Permettant non seulement de sauver, mais de guérir complètement un enfant sur deux, en moyenne. »

Sur le plan moléculaire, l'hypothermie contrôlée avant six heures de vie évite la mort des cellules du cerveau car elle permet de réduire les conséquences de la phase retardée de défaillance énergétique de ces cellules qui survient après la réanimation initiale du nouveau-né.

En revanche, après six heures de vie, cette période précieuse est dépassée : la défaillance énergétique secondaire devient irréversible ce qui est souvent signée par l'apparition de convulsions.

Il convient de rappeler que l’hypothermie thérapeutique est un traitement l'enfant né à terme ou près du terme. Ce n'est donc pas pour l'enfant né prématuré.

L'IRM cérébrale permet de faire un bilan des lésions avant et après le traitement par hypothermie. Si possible, l'IRM cérébrale est pratiquée entre les troisième et cinquième jours de vie pour faire un bilan initial. Elle permet de constater des lésions du cortex (par exemple dans la région périrolandique), du capsule interne notamment son bras postérieur et des noyaux gris centraux notamment le noyau lenticulaire (putamen et pallidum) et le noyau caudé, du thalamus.3 Dans tous les cas, il reste indispensable de réaliser une IRM vers le dixième jour de vie permettant de contrôler le cerveau après le traitement par hypothermie.

L'attente pénible des parents pendant les 72 heures d'hypothermie

Le traitement par hypothermie est suivi par le nouveau-né pendant 72 heures, donc 3 jours.

La extrême difficulté de cette attente a été mise en avant par Y Garner, psychologue, de la manière suivante4 : « les parents sont donc séparés de leur bébé dans l’urgence et vont vivre 72 heures d'attente interminable avant de pouvoir rencontrer réellement leur enfant. Un accompagnement psychologique s’avère alors nécessaire pour pouvoir penser l’impensable. »

Un accompagnement psychologique des parents est donc important pour traverser cette épreuve.

L'accompagnement juridique des parents

Dans le cas d'un placement en hypothermie

Du point de vue de notre cabinet, lors du placement de leur enfant en hypothermie contrôlée, les parents ont besoin aussi d'un accompagnement juridique en matière de droit de la santé et droit médical.

Il en est ainsi car souvent une anoxie subie pendant l'accouchement et la naissance est un événement évitable, totalement ou partiellement.

Or, les enfants qui bénéficient de l'hypothermie ont subi un manque d'oxygène, non pas léger, mais sévère en raison des critères d'indication du traitement par hypothermie.

Ces critères selectionnent des nouveau-nés ayant subi une anoxie profonde et prononcée.

Or, plus l'anoxie est sévère, plus la qualité des soins obstétricaux doit être remise en question éventuellement de manière judiciaire.

On peut souvent prévenir un manque d'oxygène pendant l'accouchement car il est traduit par des anomalies prononcées sur le tracé du rythme cardique fœtal.

Il s'agit donc des anomalies du rythme cardiaque fœtal à risque d'acidose étant rappelé que l'acidose métabolique à la naissance traduit une anoxie pendant le travail de l'accouchement.

Il ne s'agit pas de petites anomalies du rythme cardiaque fœtal mais plutôt des ralentissements profonds et répétés associés à une tachycardie et un aplatissement des oscillations. Ces anomalies peuvent survenir avant la dilatation complète du col de l'utérus et l'engagement de la présentation dans le bassin maternel donnant amplement le temps à la sage-femme d'appeler le gynécologue-obstétricien qui peut extraire l'enfant par une césarienne. En cas de dilatation complète et engagement profond de la présentation fœtale, le médecin obstétricien peut hâter la naissance par forceps ou ventouse.

En revanche, en cas d'un manque d'oxygène léger, traduit par des anomalies modestes du rythme cardiaque fœtal, souvent difficiles à interpréter, l'encéphalopathie néonatale sera souvent légère et donc elle ne sera pas traitée par hypothermie contrôlée.

En effet, le traitement par hypothermie est proposé aux enfants atteints d'une encéphalopathie anoxo-ischémique de type modéré à sévère.

Donc, le traitement par hypothermie montre pour les parents que l'enfant a subi un manque d'oxygène considérable et prolongé d'où l'opportunité d'un examen éventuellement judiciaire de la conformité des soins obstétricaux.

Cette conclusions découle également de la nécessaire preuve biologique et clinique d'une anoxie profonde subie pendant le travail d'accouchement donc en intrapartum.

Suivant la Société française de pédiatrie, cette preuve d'une anoxie intrapartum sévère est celle d'une acidose métabolique majeure à la naissance (ou au cours de la première heure de vie) notamment une mesure du pH inférieur à 7, un déficit de base supérieur à 16 mmol/l ou des lactates supérieurs à 11 mmol/l.5 Ces seuils montrent qu'il ne s'agit pas d'une faible anoxie passagère mais d'une anoxie profonde et prolongée.

De fait, un pH sévèrement bas permet de poser des questions sur la qualité des soins obstétricaux sauf, par exemple, en cas de bradycardie inopinée avec césarienne sans délai. Encore faut-il vérifier qu'il s'agit d'une acidose métabolique et que le pH bas n'est pas, totalement ou partiellement, la conséquence d'une simple acidose respiratoire.

Plus le résultat de ces examens biologiques s'écarte des valeurs normales, plus la qualité des soins devient suspecte.

Une anoxie traduite par de tels seuils biologiques laisse souvent à l'équipe obstétricale de la maternité le temps d'agir pour éviter des lésions cérébrales de l'enfant à naître.

L'avocat spécialiste des erreurs médicales pendant la naissance pourra renseigner la famille de l'enfant victime sur ce point.

Dans le cas de l'absence de placement en hypothermie

Aujourd'hui, en matière de droit de la santé et droit médical, les juges ont l'habitude de constater dans leurs décisions le placement de l'enfant en hypothermie thérapeutique puisqu'un tel placement les aides à déterminer le lien de causalité entre la faute d'un gynécologue-obstétrien et/ou la sage-femme et le handicap de l'enfant ( souvent une encéphalopathie anoxo-ischémique suivie des années plus tard d'une infirmité motrice cérébrale appelée aussi paralysie cérébrale ).

Par exemple, un arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris énonce que l'enfant victime a présenté6 :

« un score d'Apgar de 3 à 3 minutes de vie, 5 à 5 minutes et 6 à 10 minutes de vie témoignant de difficultés d'adaptation à la vie extra-utérine ; que ventilé durant ses premières minutes de vie, puis intubé, il a ensuite été placé en ventilation assistée étant donné une autonomie respiratoire médiocre ; qu'après récupération d'une réactivité et d'un tonus à 15 minutes de vie, il a été admis dans l'unité de réanimation néonatale de l'hôpital à 2 heures de vie ; que, compte tenu de sa motricité globale insuffisante, d'une hypotonie axiale et d'une absence de contact visuel, le diagnostic d'encéphalopathie anoxo-ischémique ayant été posé, l'enfant a alors été placé en hypothermie contrôlée »

En revanche, dès lors qu'elle est indiquée, l'absence de placement de l'enfant en hypothermie contrôlée ( ou de transfert vers un établissement pouvant fournir ce traitement ) engage la responsabilité de la maternité.

La Cour administrative d'appel de Lyon a été saisie d'un tel cas de responsabilité hospitalière et elle a ordonné une seconde expertise médicale afin de d'obtenir un avis technique supplémentaire. Néanmoins, elle a constaté dans ses motifs les énonciations pertinentes de la première expertise 7 :

« Le professeur V..., gynécologue obstétricien au service de médecine foetale de l'hôpital W..., et le docteur X..., pédiatre au service de pédiatrie et néonatologie du centre hospitalier de Y..., désignés par l'ordonnance du juge des référés, ont retenu dans leur rapport d'expertise l'existence de deux fautes imputables au centre hospitalier de Z..., consistant d'une part, en un défaut d'analyse et de transmission par la sage-femme au gynécologue obstétricien de garde du caractère très pathologique du rythme cardiaque foetal qui a empêché une décision de naissance rapide de l'enfant, au besoin par césarienne, et, d'autre part, en une absence de transfert immédiat du nouveau-né vers une unité spécialisée qui l'a privé d'une meilleure évaluation de la gravité de l'encéphalopathie anoxo-ischémique et qui aurait conduit à la mise en place d'un protocole d'hypothermie. »

Voilà pourquoi, à partir du moment où un manque d'oxygène est suspecté pendant le travail d'accouchement, il faudra vérifier que l'enfant a été placé en hypothermie pendant 72 heures.

Les indications de placement en hypothermie contrôlée sont bien codifiées par la Société française de pédiatrie et l'avocat spécialiste des erreurs médicales pendant l'accouchement pourra également renseigner la famille de l'enfant victime sur ce point.

Malgré l'espoir du traitement du nouveau-né par l'hypothermie, le bénéfice exact reste à chiffrer

L'hypothermie thérapeutique est certes une avancée importante mais en 2021 un essai contrôlé de grande envergure a montré que tout n'est pas encore connu.

Il s'agissait du plus grand essai clinique randomisé jamais réalisé jusqu'à présent mais à la différence des autres essais, celui-ci a été pratiqué dans des pays à revenu intermédiaire et à faible revenu ( Inde, Sri Lanka, Bangladesh ).8

A la grande surprise des nombreux auteurs, le taux de décès et de handicap n'a pas été réduit.

Comment expliquer ce résultat alors que l'hypothermie thérapeutique est un traitement qui a déjà fait ses preuves en Europe et en Amérique du Nord ?

Selon les auteurs de cette étude, la différence pourrait tenir à ce que souvent chez les enfants dans ces pays d'asie du sud les lésions cérébrales soient installées avant le travail de l'accouchement et ainsi l'hypothermie serait moins efficace.

Néanmoins, il reste encore des questions à résoudre pour comprendre exactement pourquoi l'hypothermie n'est pas efficace dans le contexte obstétrical / pédiatrique des pays à revenu intermédiaire et à faible revenu.

En tout cas, l'avocat spécialiste de la famille de la victime atteinte d'une infirmité motrice cérébrale ( paralysie cérébrale ) devra vérifier que les éléments cliniques, biologiques et d'imagerie traduisent une anoxo-ischémie survenue pendant le travail de l'accouchement.

Conclusion

L’objectif de l’hypothermie contrôlée est d'améliorer le devenir à long terme des nouveau-nés ayant subi une encéphalopathie anoxo-ischémique périnatale. Il s'agit de donner à l'enfant toutes ses chances d'éviter un handicap notamment une infirmité motrice cérébrale (paralysie cérébrale).

C'est pourquoi l'étude française LyTONEPAL a étudié des enfants traités par hypothermie thérapeutique afin de quantifier l'effet bénéfique.9

Cependant, le traitement par hypothermie est indiqué pour les enfants ayant subi un manque d'oxygène important et prolongé ce qui laisse souvent le temps à la sage-femme d'appeler le gynécologue-obstétricien qui peut extraire l'enfant en temps utile tantôt par césarienne, tantôt par forceps ou ventouse selon les conditions obstétricales.

En effet, une récente étude française a montré encore une fois que l'hypoxie fœtale la plus fréquente est celle qui s'installe progressivement ce qui est traduit par des ralentissements répétés du rythme cardiaque fœtal.10

Cette évolution progressive de l'asphyxie fœtale donne le temps à l'équipe obstétricale d'analyser l'aggravation des anomalies du rythme cardiaque fœtal et l'avancement du travail afin d'organiser une intervention obstétricale éventuelle ( césarienne ou forceps ) dans de bonnes conditions.

Malheureusement, des défaillances dans la communication entre la sage-femme et le gynécologue-obstétricien ne permettent pas toujours d'intervenir et prévenir l'encéphalopathie anoxo-ischémique ( et plus tard l'infirmité motrice d'origine cérébrale ou paralysie cérébrale ).

Une assistance juridique permettra à la famille de comprendre les circonstances d'un accouchement et ses droits les plus légitimes.



Références :


1. Jacobs SE, Berg M, Hunt R, Tarnow-Mordi WO, Inder TE, Davis PG. Cooling for newborns with hypoxic ischaemic encephalopathy. Cochrane Database Syst Rev. 2013 Jan 31;2013(1):CD003311.

2. Favereau E., Réanimation néonatal : le froid qui sauve. Libération. 24 mars 2014.

3. Beck J., Loron G., Ancel P.-Y., Alison M., Hertz Pannier L., Vo Van P., Debillon T., Bednarek, N. An Updated Overview of MRI Injuries in Neonatal Encephalopathy: LyTONEPAL Cohort. Children 2022;9:561.

4. Garner Y. Hypothermie thérapeutique du bébé : une interminable attente pour les parents. Soins Pediatr Pueric. 2019 Sept-Oct;40(310):14-19.

5. Association française de pédiatrie. Hypothermie contrôlée du nouveau-né à terme après asphyxie périnatale. Archives de Pédiatrie 2010;17:282-289.

6. Cour administrative d'appel de Paris (3ème ch.), 27 février 2017, nº 16PA00494.

7. Cour administrative d'appel de Lyon (6ème ch.), 3 octobre 2019, nº 18LY04613

8. Thayyil S, Pant S, Montaldo P, Shukla D, Oliveira V, Ivain P, Bassett P, Swamy R, Mendoza J, Moreno-Morales M, Lally PJ, Benakappa N, Bandiya P, Shivarudhrappa I, Somanna J, Kantharajanna UB, Rajvanshi A, Krishnappa S, Joby PK, Jayaraman K, Chandramohan R, Kamalarathnam CN, Sebastian M, Tamilselvam IA, Rajendran UD, Soundrarajan R, Kumar V, Sudarsanan H, Vadakepat P, Gopalan K, Sundaram M, Seeralar A, Vinayagam P, Sajjid M, Baburaj M, Murugan KD, Sathyanathan BP, Kumaran ES, Mondkar J, Manerkar S, Joshi AR, Dewang K, Bhisikar SM, Kalamdani P, Bichkar V, Patra S, Jiwnani K, Shahidullah M, Moni SC, Jahan I, Mannan MA, Dey SK, Nahar MN, Islam MN, Shabuj KH, Rodrigo R, Sumanasena S, Abayabandara-Herath T, Chathurangika GK, Wanigasinghe J, Sujatha R, Saraswathy S, Rahul A, Radha SJ, Sarojam MK, Krishnan V, Nair MK, Devadas S, Chandriah S, Venkateswaran H, Burgod C, Chandrasekaran M, Atreja G, Muraleedharan P, Herberg JA, Kling Chong WK, Sebire NJ, Pressler R, Ramji S, Shankaran S; HELIX consortium. Hypothermia for moderate or severe neonatal encephalopathy in low-income and middle-income countries (HELIX): a randomised controlled trial in India, Sri Lanka, and Bangladesh. Lancet Glob Health. 2021 Sep;9(9):e1273-e1285.

9. Debillon T, Bednarek N, Ego A; LyTONEPAL Writing Group. LyTONEPAL: long term outcome of neonatal hypoxic encephalopathy in the era of neuroprotective treatment with hypothermia: a French population-based cohort. BMC Pediatr. 2018 Aug 1;18(1):255.

10. Descourvieres L, Ghesquiere L, Drumez E, et al. Types of intrapartum hypoxia in the newborn at term with metabolic acidemia: A retrospective study. Acta Obstet Gynecol Scand. 2022;00:1-6.


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