victime, oniam, accident médical, perte de chance, tierce personne

Dans un arrêt rendu le 10 juin 2020 (publié au recueil Lebon), le Conseil d'Etat revient sur deux situations qui continuent de soulever des difficultés...au moins pour l'ONIAM qui est à l'origine du pourvoi.

Dans cette affaire, lors d'un traitement dans un caisson hyperbare, un patient a été victime d'un arrêt cardio-respiratoire conduisant à de lourdes séquelles neurologiques. Selon l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel a décidé que le médecin hospitalier a commis une faute à l'origine d'une perte de chance d'éviter les séquelles mais aussi que le préjudice subi remplit les conditions du II de l'article L1142-1 du code de la santé publique ouvrant droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale.


Sur le pourvoi principal de l'ONIAM tendant à l'annulation de l'arrêt en raison d'une faute à l'origine d'une perte de chance d'éviter le dommage


Le pourvoi de l'ONIAM consteste l'arrêt en ce que celui-ci a retenu une faute à l'origine d'une perte de chance si bien que l'ONIAM ne doit aucune réparation à la victime vu le principe de subsidiarité de la réparation au titre de la solidarité nationale (du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique).


Comme on le sait, en matière de perte de chance, les juges des deux ordres de juridictions décident de manière constante que le préjudice en lien direct avec une faute est la perte de chance d'éviter le dommage corporel survenu et non le dommage corporel lui-même. Malgré ce principe qui s'applique à un accident médical fautif, le lien de causalité entre le dommage et l'accident médical non fautif reste entier.


Pour cette raison, la Haute juridiction administrative rejette le pourvoi de l'ONIAM dans les termes suivants :


« Si les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique citées au point précédent font obstacle à ce que l'ONIAM supporte au titre de la solidarité nationale la charge de réparations incombant aux personnes responsables d'un dommage en vertu du I du même article, elles n'excluent toute indemnisation par l'office que si le dommage est entièrement la conséquence directe d'un fait engageant leur responsabilité. Dans l'hypothèse où un accident médical non fautif est à l'origine de conséquences dommageables mais où une faute commise par une personne mentionnée au I de l'article L. 1142-1 a fait perdre à la victime une chance d'échapper à l'accident ou de se soustraire à ses conséquences, le préjudice en lien direct avec cette faute est la perte de chance d'éviter le dommage corporel advenu et non le dommage corporel lui-même, lequel demeure tout entier en lien direct avec l'accident non fautif. Par suite, un tel accident ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale si ses conséquences remplissent les conditions posées au II de l'article L. 1142-1 et présentent notamment le caractère de gravité requis, l'indemnité due par l'ONIAM étant seulement réduite du montant de l'indemnité mise, le cas échéant, à la charge du responsable de la perte de chance, égale à une fraction du dommage corporel correspondant à l'ampleur de la chance perdue. »


Par voie de conséquence, l'indemnité mise à la charge de l'ONIAM doit être réduite du montant de l'indemnité due au titre de la perte de chance.


A vrai dire, la Haute juridiction administrative est arrivée à la même solution auparavant par des arrêts des 30 mars 2011 (N° 327669) et 12 décembre 2014 (N° 355052).


Quant aux modalités du service de la rente tierce personne


Dans son pourvoi, l'ONIAM énonce le principe selon lequel il appartient aux juges du fond, en présence d'éléments rendant probable une évolution ultérieure du mode de prise en charge de la victime qui aurait pour conséquence de la décharger de tout ou partie de ses frais d'assistance par une tierce personne, de prévoir que la rente accordée à ce titre sera, en pareil cas, suspendue ou réduite, sous le contrôle du juge de l'exécution de la décision fixant l'indemnisation.


En conséquence, l'ONIAM soutient que le second juge aurait dû prévoir que la rente mise à sa charge serait suspendue ou réduite le jour où la victime cesserait, en raison d'une prise en charge en établissement, d'avoir recours à un telle assistance à domicile.


Cependant, s'agissant d'une simple modalité du service de la rente, la Haute juridiction administrative décide logiquement :


« Il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en s'abstenant d'assortir d'une telle condition la rente allouée au titre de l'assistance par une tierce personne, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine, exempte de dénaturation et n'a pas commis d'erreur de droit. »


Il convient de prêter attention sur ce point dans ses écritures vu le pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond des faits particuliers à chaque espèce.