Indemnisation de l'accident médical par l'ONIAM : le Conseil d'Etat augmente le seuil de la probabilité faible
08.02.2019
Par un arrêt rendu le 04 février 2019 mentionné dans les tables du recueil Lebon, le Conseil d'Etat permet aux praticiens de la responsabilité médicale de mieux cibler la limite de la probabilité faible au sens des dispositions du II de l'article L1142-1 du code de la santé publique.
Dans cette affaire la victime a subi un accident vasculaire cérébral (AVC) lors du remplacement d'un défibrillateur chez cette victime en fibrillation auriculaire non anti-coagulée. La victime est restée atteinte d'une hémiplégie. Une expertise médicale a estimé le risque réalisé de l'ordre de 3%.
Pour la cour administrative d'appel, bien que la victime ait subi un accident médical non fautif directement imputable à un acte de soins présentant le niveau de gravité requis pour l'indemnisation par l'ONIAM, le risque de 3% n'est pas une probabilité faible si bien que le préjudice subi n'est pas anormal au sens du II de l'article L1142-1 du code de la santé publique.
Par son arrêt rendu le 04 février 2019, le Conseil d'Etat annule cette décision de la cour administrative d'appel au motif qu'elle est entâchée d'une erreur de qualification juridique quant à l'appréciation de ladite probabilité faible.
Le Conseil d'Etat énonce :
Pour rejeter les conclusions tendant à l'indemnisation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale, la cour administrative d'appel a retenu que la survenance du dommage subi par M. C...ne présentait pas une probabilité faible au sens des règles énoncées au point précédent, dès lors qu'il résultait des indications données par l'expert que le risque d'un AVC lors du remplacement d'un défibrillateur chez un patient en fibrillation auriculaire non anti-coagulé, comme c'était le cas de l'intéressé, était de l'ordre de 3 %. En retenant qu'une telle probabilité n'était pas une probabilité faible, de nature à justifier la mise en oeuvre de la solidarité nationale, elle a entaché son arrêt d'une erreur de qualification juridique.
Cet arrêt permet aux praticiens de constater que le risque de 3% traduit toujours une probabilité faible ouvrant droit à la réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale.
Le Conseil d'Etat a ainsi augmenté le niveau de la probabilité faible au moins telle qu'elle avait été interprétée par le second juge.
La question devient celle de connaître la limite supérieure de la probabilité faible...
Les références de jurisprudence dans cet arrêt du Conseil d'Etat nous renvoient à un arrêt du 15 juin 2016 de la Cour de cassation qui avait décidé que le risque de 6% à 8% n'est pas une probabilité faible au sens du II de l'article L1142-1 du code de la santé publique.
On peut donc déduire que la limite de la probabilité faible se trouve entre 3% et 6%.
Mais où exactement ?
Pour nous elle devrait être de 5%. Il en est ainsi car la pratique médicale utilise dans la vaste majorité des études publiées un seuil de 5% pour fixer la limite de significativité statistique. Il est donc naturel que la probabilité faible soit au moins égale à ce risque d'erreur que comporte toute étude médicale dont pouvaient se servir les experts et les juges.