Le Blog de Dimitri PHILOPOULOS
28.04.2016
La Haute Autorité de Santé (HAS) a publié le 25 novembre 2015 un communiqué visant à sécuriser l'usage des médicaments dans les cliniques et hôpitaux.
Ce communiqué montre que 40% des erreurs médicales graves sont dues aux médicaments. Il indique aussi que 52% (environ la moitié) de ces erreurs médicamenteuses sont certainement évitables. Ce chiffre pourrait être sous-estimé.
Les erreurs médicamenteuses les plus fréquentes sont dues à l'oubli, la confusion de médicaments, l'incompatibilité de médicaments, l'erreur de dose et la prise au mauvais moment. Ces erreurs médicamenteuses sont dues au circuit complexe du médicament : préscription → préparation → stockage → dispensation → administration au patient.
Les démarches promues par la HAS favorisent la conciliation des traitements médicamenteux afin de prévenir les erreurs. Ces démarches sont notamment le recueil des informations sur le traitement du patient afin d'établir un bilan médicamenteux avec tous les soignants, la comparaison de ce bilan avec la première prescription faite à l'admission et la transmission de ces informations à tous les intervenants.
Les actions en justice des victimes d'erreurs médicamenteuses ont accéléré la publication de travaux sur les erreurs médicamenteuses comme ceux de la HAS. On voit nettement l'impact positif de la justice sur la sécurité des patients.
Barème de capitalisation : la Cour de cassation rejette le pourvoi tendant à faire sanctionner la prise en compte de l'inflation dans le taux de capitalisation
28.04.2016
Pour indemniser la victime d'un préjudice corporel, une cour d'appel a fait application du barème de capitalisation publié en 2013 par la Gazette du Palais avec un taux de capitalisation de 1,20%. Ce taux tient compte de l'inflation afin de conserver le pouvoir d'achat du capital de la victime. L'assureur du responsable a formé un pourvoi en cassation en invoquant notamment l'incertitude du taux de l'inflation future.
La Cour de cassation a rejeté ce pourvoi par un arrêt récent rendu le 10 décembre 2015 et a décidé que le choix du barème de capitalisation relève de l'exercice du pouvoir souverain des juges du fond (les juges du tribunal et de la cour d'appel) — y compris quant à la prise en compte de l'inflation dans le taux de capitalisation — afin d'assurer la réparation intégrale du préjudice de la victime.
Bien que rendue par la Deuxième chambre civile, il n'y a aucune raison de penser que la solution soit différente pour la Première chambre civile (la chambre qui traite les questions de responsabilité médicale). Pour cette raison, cette décision sera d'une importance critique pour les victimes d'erreurs médicales car le taux de capitalisation a un impact majeur sur le montant de leur indemnisation allouée sous forme d'un capital.
La décision de la Cour de cassation permet aux juges du fond d'harmoniser le traitement de la rente et le capital : les deux modes d'indemnisation peuvent être protégés ensemble contre les effets de l'érosion monétaire. Elle permet aussi aux juges du fond d'adopter les méthodes modernes des actuaires qui sont les experts et les spécialistes des techniques de capitalisation.
Les victimes d'erreurs médicales et les associations de victimes d'erreurs médicales sont encouragées à consulter nos publications en cette matière dont les références figurent ici.
Trop de victimes déçues par les offres d'indemnisation proposées devant les CCI : il faut réfléchir davantage avant de s'adresser à la CCI
28.04.2016
Une victime a reçu des injections et a contracté une infection nosocomiale dans un établissement de santé.
Cette victime a saisi la CCI et après une expertise médicale a reçu une offre d'indemnisation par l'ONIAM (car il s'agissait d'une infection avec une atteinte permanente supérieure à 25%).
Toutefois, l'offre d'indemnisation de l'ONIAM n'a pas donné satisfaction à la victime qui par la suite a saisi le juge compétent. La décision du premier juge a été contestée en appel devant la Cour administrative d'appel de Nantes qui a rendu un arrêt récent le 12 novembre 2015.
Comme d'innombrables victimes, on voit encore une victime qui n'accepte pas l'offre amiable dans le cadre d'une procédure devant la CCI et qui s'adresse par la suite au juge pour obtenir une indemnisation adéquate d'où perte de temps et de frais.
Le contenu de cet arrêt ressemble étrangement à celui d'un appel téléphonique reçu trop souvent par les Avocats spécialistes en responsabilité médicale à savoir l'appel des trop nombreux victimes qui sont déçues par les offres amiables proposées devant les CCI et qui veulent saisir le juge. Pire, le plus souvent ces victimes n'ont pas été assistées par un Avocat et un médecin conseil lors des expertises diligentées par les CCI d'où des rapports d'expertise qui sous-evaluent les différents chefs de dommage corporel comme les besoins d'assistance d'une tierce personne. La victime doit donc traîner comme un boulet cette expertise devant le juge et souvent demander une nouvelle expertise pour espérer améliorer son indemnisation devant le Tribunal.
Au lieu de faire les choses sans réflechir, il est urgent que les victimes d'erreurs médicales prennent leur décision de saisir la CCI ou le Tribunal en toute connaissance de cause de préférence avec le concours d'un Avocat spécialiste en erreurs médicales (Avocat en responsabilité médicale ou en Droit médical). Si cette décision est prise sur des bases techniquement solides, les changements de procédure deviendront de plus en plus rares. La victime gagnera en termes de temps, frais, montant de l'indemnisation et même chances de succès de son action.
Peut-on limiter le montant de l'indemnisation d'un accident médical remplissant les conditions d'anormalité et de gravité ?
28.04.2016
Un confrère nous a posé cette question il y a quelques jours donc nous donnons une réponse par ce billet qui ajoute au précédent billet concernant un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon..
La jurisprudence répond à cette question par la négative.
Outre la décision citée dans le précédent billet, cette jurisprudence de l'ordre administratif concerne une autre affaire d'un enfant atteint d'une malformation du coeur. Cet enfant a subi une intervention chirurgicale avec mise en place d'un shunt Blalock. Lors d'une seconde intervention visant le rétablissement de la circulation, des adhérences entre le shunt et la paroi ont été à l'origine d'un accident imprévisible et une anoxie cérébrale à l'origine d'un lourd handicap.
Initalement, la cour administrative d'appel de Nantes avait décidé que les conditions du II de l'article L1142-1 du code de la santé publique étaient remplies si bien que l'ONIAM était condamné d'indemniser la victime de l'accident médical non fautif. Néanmoins, la cour avait limité l'indemnisation à 50% vu l'état antérieur de l'enfant qui avait une malformation engageant le pronostic vital. Or, par une décision du 6 novembre 2013, le Conseil d'Etat avait sanctionné cet arrêt pour erreur de droit et renvoyé l'affaire devant la même cour : « Considérant qu'après avoir constaté que les conséquences dommageables de l'intervention ne résultaient pas d'une faute du service hospitalier mais d'une complication technique imprévisible et qu'elles remplissaient les conditions d'anormalité et de gravité ouvrant droit à réparation au titre de la solidarité nationale, la cour a commis une erreur de droit en limitant ce droit à réparation à une fraction seulement du dommage ».
Par un arrêt rendu le 24 juillet 2015, la cour administrative de Nantes a rectifié le tir et condamné l'ONIAM d'indemniser tout le préjudice. Cette fois-ci, la cour énonce : « qu'ainsi, les conditions d'engagement de la responsabilité sans faute telles que prévues par les dispositions de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique étant remplies, Mme E... est fondée à demander à l'ONIAM, au titre de la solidarité nationale, la réparation de l'intégralité des préjudices subis par le jeune M... ».
Accident médical non fautif rémplissant les conditions d'anormalité : pas de limitation de l'indemnisation en raison de l'état antérieur
28.04.2016
Un enfant a été opéré d'une malformation cardiaque (tétralogie de Fallot). Dans la période postopératoire, un pneumothorax est survenu provoquant un bas débit cardiaque et une atteinte cérébrale hypoxo-ischémique avec de lourdes séquelles.
Selon les experts, le pneumothorax était un accident médical imprévisible, rare que rien ne pouvait laisser présager. Le juge des référés a donc condamné l'ONIAM d'indemniser la victime au titre de la solidarité nationale. Toutefois, l'ONIAM a contesté en appel le montant de l'indemnisation provisionnelle en prétendant que l'état antérieur de l'enfant (sa malformation cardiaque) était à l'origine de la majorité des séquelles.
Or, par une décision récente rendue le 8 octobre 2015, la Cour administrative d'appel de Lyon a confirmé la décision du premier juge et a énoncé : « dès lors que les conséquences dommageables de l'intervention sont imputables directement à l'accident médical du pneumothorax et qu'elles remplissent les conditions d'anormalité et de gravité ouvrant droit à réparation au titre de la solidarité nationale, le droit à réparation en découlant ne saurait être limité à une fraction seulement du dommage en raison de l'état initial du patient ».
De manière importante, la cour décide ainsi qu'à partir du moment où sont remplies les conditions du II de l'article L1142-1 du code de la santé publique, l'état antérieur du patient ne saurait limiter le montant de l'indemnisation due par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale.