Leçons des dernières jurisprudences de la responsabilité hospitalière
28.04.2016
Tétraplégie après intervention chirurgicale pour traitement d'une hernie discale cervicale avec pose d'un greffon osseux : le manquement fautif de ne pas avoir préscrit une minerve en période post-opératoire pour immobiliser le cou est en lien de causalité direct et certain avec le déplacement du greffon et la compression médullaire qui s'en est suivie. C'est la solution d'un arrêt récent de la Cour administrative d'appel de Paris rendu le 21 mars 2016 (n° 15PA01581).
Hémorragie lors de la délivrance du placenta avec repercussion hémodynamique importante à l'origine d'une anoxie et ischémie cérébrale : dans cette hypothèse l'avocat spécialiste en droit médical doit avant tout porter son attention au suivi et à la prise en charge de l'anémie et l'hypovolémie. Le bilan sanguin, la tension et l'état général doivent être surveillés régulièrement avec administration d'agents de remplissage vasculaire et des transfusions voire des vasopresseurs dès que nécessaire. C'est la leçon que l'on peut tirer d'un arrêt récent de la Cour administrative d'appel de Nantes rendu le 18 février 2016 (n° 14NT02692).
Infection nosocomiale grave indemnisée par l'ONIAM : l'impossibilité de recours des organismes sociaux à l'encontre de l'ONIAM est confirmée par le Conseil d'Etat par une décision rendue le 17 février 2016 (n° 384349). En effet, l'ONIAM ne peut être regardé comme le responsable des dommages que ces infections occasionnent au sens des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Paraplégie à la suite d'un traitement d'une hernie discale lombaire avec canal lombaire étroit : il n'est pas inutile, car d'une importance critique pour les victimes, de rappeler l'interprétation des juges du fond (en l'occurance, la Cour administrative d'appel de Nantes, 21 janvier 2016, n° 15NT01276) de la condition d'anormalité permettant l'indemnisation de l'accident médical non fautif par l'ONIAM, laquelle indemnisation est prévue au II de l'article L1142-1 du code de la santé publique :
Considérant que la condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Considérant que, lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; qu'ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage.
Dans cette espèce, le taux de risque de complications était évalué par l'expert à 15% ce qui, selon la cour, ne peut être regardé comme faible si bien que les conséquences de l'accident médical non fautif ne pouvait être regardées comme anormales au sens des dispositions précitées du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique. Donc, 15% n'est pas un taux de complications faible pour le juge du fond au sens de cet article. En revanche, selon nous, cette décision demeure hautement critiquable car le risque d'aggravation des symptômes sans traitement chirurgical est de l'ordre de celui des complications du même traitement si bien que le juge aurait dû retenir la responsabilité de l'hôpital sur le terrain des dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique relatives au droit de l'information du patient. Toujours est-il que cette décision devrait être rapprochée de celle rendue par la Cour administrative d'appel de Bordeaux qui a décidé le 1 février 2016 (n° 15BX03104) que même 2 % n'est pas un taux de complications faible au sens de cet article L. 1142-1 du code de la santé publique. A méditer...
Fuite anastomotique après chirurgie digestive pour diverticulose du segment sigmoïde du côlon avec décès du patient par péritonite : la Cour administrative d'appel de Douai a décidé dans un arrêt rendu le 26 janvier 2016 (n° 14DA00908) que les fautes commises par l'hôpital notamment le délai dans la réintervention chirurigicale ne serait que de 70 % compte tenu de l'état antérieur du patient qui souffrait d'obésité de stade II, d'une hypertension artérielle, d'une hypercholestérolémie, d'asthme et d'un tabagisme ancien.