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Dimitri PHILOPOULOS

Avocat et Docteur en médecine

Défense de victimes d'erreurs médicales
22 av. de l'Observatoire - 75014 PARIS
Tél. 01 46 72 37 80

Barème de capitalisation : le facteur principal qui explique les indemnisations record
Le taux de capitalisation
L'importance de l'inflation

Barème de capitalisation de la Gazette du Palais millésime 2020

Le dernier barème de capitalisation publié par la Gazette du Palais en 2020 se sert d'un taux de 0% et les tables de mortalité de 2014-2016 de l'INSEE. Ce barème tient compte des dernière données disponibles notamment économiques.

Les barèmes de capitalisation sont critiques pour le montant de l'indemnisation des victimes car ils s'appliquent à tous les chefs de préjudices futurs versés sous la forme d'un capital : tierce personne, véhicule aménagé, perte de gains professionnels et frais médicaux. Bref, il s'agit des deux tiers voire les trois quarts de l'indemnisation ! Voilà pourquoi notre cabinet a consacré un temps considérable en matière de recherche et développement sur cet outil perçu comme une « boîte noire » par les acteurs de justice y compris avocats et juges.

Pour bien comprendre, il faut tout d'abord bien retenir une chose : contrairement à l'intuition, plus le taux de capitalisation est bas, plus l'indemnité allouée à la victime est importante. Cela dit, depuis des décennies en France, la justice a utilisé un taux de capitalisation qui ne tenait pas compte de l'inflation si bien que le capital alloué à la victime était grossièrement sous estimé. Les victimes ont vécu avec cette situation profondement injuste depuis plusieurs années.

Lors du développement par notre cabinet d'un logiciel informatique de capitalisation des préjudices futurs des victimes, il nous est apparu étrange de ne pas prendre en compte la hausse des préjudices futurs des victimes. De ce fait, nous avons inclus dans notre logiciel un paramètre qui permet de prendre en compte l'augmentation annuelle des préjudices futurs selon l'inflation, l'indice Smic ou tout autre indice auquel le préjudice futur peut être lié. L'actuaire qui a validé notre logiciel a confirmé notre appréciation à savoir que nos barèmes de capitalisation n'étaient pas conformes aux pratiques actuarielles modernes. Cette non conformité était particulièrement impardonnable en France où un taux d'intérêt comme le TEC10 était utilisé car ce taux est étroitement lié aux prévisions du marché sur l'inflation future : autrement dit, nos barèmes de capitalisation laissaient les assureurs tirer avantage de l'inflation dans le TEC10 sans tenir compte de son incidence sur les préjudices futurs de la victime.

Nous avons reçu une invitation à publier des articles dans des revues juridiques sur le sujet (voir rubrique médias dans le menu). Ensuite, nous avons organisé un colloque avec d'éminents actuaires et universitaires afin d'informer avocats et magistrats de l'existence de ce problème. Nous avons également attiré l'attention des députés, des sénateurs et du Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, sur cette erreur technique majeure.

Les choses ont finalement changé en 2013. En effet, en mars 2013, un barème de capitalisation des victimes est sorti dans La Gazette du Palais avec un taux qui tient compte de l'inflation à 1,20%, une baisse majeure. Il en résulte des indemnités en capital en moyenne 35% plus élevées que celles calculées avant l'année 2013.

Notons clairement qu'il n'y a là aucune aubaine pour la victime : il y avait au contraire une aubaine pour les assureurs qui depuis longtemps ont profité de l'inflation dans le taux TEC10 sans reconnaître la hausse nécessaire des préjudices futurs de la victime. Le taux de 1,20 % du barème de capitalistion de la Gazette du Palais millésime 2013 supprime simplement cette anomalie.

De nombreuses cours d'appel ont depuis adopté le barème de capitalisation 2013 de la La Gazette du Palais. L'aboutissement était l'arrêt de rejet rendu le 10 décembre 2015 par la Deuxième chambre civile de la Cour de cassation : cet arrêt a décidé que, afin de garantir la réparation intégrale du préjudice, le juge du fond a un pouvoir souverain dans le choix de son barème de capitalisation y compris pour ce qui concerne la prise en compte de l'inflation dans le taux de capitalisation. Cet arrêt important de la Haute juridiction permet aux juges de protéger le capital de la victime des effets néfastes de l'érosion monétaire (comme pour la rente au moyen du jeu de l'indexation).

En 2016, le barème de capitalisation de la Gazette du Palais a été mis à jour avec un taux de 1,04%. Ce taux résulte d'un lissage du TEC10 sur deux ans (2014 et 2015) moins le taux d'inflation pendant la même période.

Par un arrêt rendu le 10 décembre 2015, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a décidé que le juge du fond a un pouvoir souverain pour choisir le barème de capitalisation le plus approprié afin d'assurer la réparation intégrale du préjudice y compris pour ce qui est de la prise en compte de l'inflation dans le taux de capitalisation. Cette décision importante qui a reçu une large diffusion (P+B+I) opère une harmonisation des indemnités versées sous les formes d'un capital ou d'une rente : dorénavant toutes les deux sont protégées contre l'érosion monétaire.

En outre, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu un arrêt le 5 avril 2016 publié au Bulletin suivant lequel c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d’appel, tenue d'assurer la réparation intégrale du dommage actuel et certain de la victime sans perte ni profit, a fait application du barème de capitalisation qui lui a paru le plus adapté à assurer les modalités de cette réparation pour le futur, sans avoir à soumettre ce choix au débat contradictoire.

L'Augmentation spectaculaire des indemnisations récentes est un phénomène dû principalement au barème de capitalisation.

Dans l'espace de seulement quelques années, les indemnités allouées aux victimes d'erreurs médicales ont augmenté de manière spectaculaire notamment pour les jeunes victimes atteintes du grand handicap. Par exemple, il pourrait s'agir d'un jeune adulte victime d'un préjudice consécutif à un acte médical, chirurgical ou d'anesthésie ou d'un enfant victime d'une infirmité motrice cérébrale par anoxie lors de l'accouchement et la naissance.

A ce titre, chez la victime d'un grand handicap, une indemnisation avant mars 2013 de 10 millions d'euros (date de publication par la Gazette du Palais du barème de capitalisation 2013) est devenue presque 15 millions d'euros en 2018.

Quel est le facteur principal qui explique cette augmentation majeure ?

Est-ce le tarif horaire de la tierce personne par exemple en mode prestataire ? Est-ce une compétence accrue des avocats des victimes ? Est-ce une meilleure formation des juges des chambres spécialisée ? La réponse est négative.

En effet, une analyse des indemnisations montre que le facteur principal est celui du barème de capitalisation devenu plus favorable à la victime notamment en raison de la prise en compte de l'inflation dans le taux (L'utilisation par les juges du fond des barèmes de capitalisation ajustés pour l'inflation a été approuvé de manière constante par la Cour de cassation : voir par exemple, Civ. 2, 10 déc. 2015, pourvois n° 14-27243 et 14-27244 ; Crim. 5 avril 2016, pourvoi n° 15-81349.).

L'utilisation des indemnisations en vigueur jusqu'en mars 2013 (notamment ceux tirés de l'ouvrage Le Roy M, Le Roy J-D, Bibal F, L'évaluation du préjudice corporel, 19e édition, 2011 et du référentiel de la Cour d'Appel de Paris publié en mars 2013.), donc jusqu'à la date de publication dans la Gazette du Palais du barème de capitalisation 2013, montre que cette augmentation a pour origine le barème de capitalisation qui est devenu progressivement plus favorable à la victime entre 2013 et 2018 notamment en raison de la prise en compte de l'inflation dans le taux de capitalisation.

Cette utilisation des mêmes paramètres d'indemnisation, y compris un tarif horaire mandataire pour la tierce personne, permet d'isoler l'effet décisif du barème de capitalisation. Autrement dit, toutes choses égales par ailleurs, le barème de capitalisation explique à lui seul ce phénomène d'indemnisations « record ».

Plus spécifiquement, il s'agit des indemnités suivantes selon le prix de rente des derniers barèmes de capitalisation :

  • pour le barème de la Gazette du Palais 2011 (avant la prise en compte de l'inflation) : 10.003.705 euros
  • pour le barème de la Gazette du Palais 2013 (prise en compte partielle de l'inflation) : 12.414.696 euros
  • pour le barème de la Gazette du Palais 2016 (prise en compte plus complète de l'inflation) : 12.892.857 euros
  • pour le barème de la Gazette du Palais 2018 (prise en compte totale de l'inflation) : 14.864.105 euros
  • pour le barème de la Gazette du Palais 2020 (prise en compte totale de l'inflation) : 17.726.158 euros

Afin de vérifier que cette augmentation ne provient pas d'un autre facteur, la présente analyse a porté aussi sur tous les autres paramètres de l'indemnisation. Or, tous les autres facteurs d'indemnisation n'ont eu qu'une incidence faible par rapport à celle du barème de capitalisation.

Même l'effet d'un tarif horaire de la tierce personne est faible par comparaison à celui du barème de capitalisation. A ce titre, avec les mêmes paramètres d'indemnisation retenus ci-dessus, l'utilisation d'un tarif horaire prestataire de la tierce personne de 24 euros avec le barème de capitalisation de 2011 produit une indemnité totale de 10.762.898 euros ce qui est bien loin de l'indemnité de presque 15 millions d'euros calculé avec un simple tarif mandataire par l'effet exclusif du barème de capitalisation 2018. En des termes relatifs, l'effet du barème de capitalisation 2018 est 6,4 fois plus important que celui du tarif horaire prestataire de la tierce personne de 24 euros (14.864.105 - 10.003.705 / 10.762.898 - 10.003.705).

La prise en compte nécessaire de l'inflation dans le barème de capitalisation a été soulevée pour la première fois en 2012 (Philopoulos D, Au sujet du barème de capitalisation 2011 de la Gazette du Palais, Gaz Pal, 6-7 juillet 2012, pp. 9-13.). Elle est capitale car les taux d'intérêt remontent actuellement lentement mais sûrement. En effet, les taux d'intérêt sont étroitement liés à l'inflation (voir à ce titre, Philopoulos D, Barème de capitalisation, Gaz Pal, 9-10 novembre 2012, pp. 38-39). Faute de prise en compte de l'inflation dans les prochains barèmes de capitalisation, les indemnisations retomberont dans le sens de leur niveau en 2011 ce qui montre que l'effet décisif du barème de capitalisation ne provient pas d'une baisse ponctuelle des taux mais de l'ajustement des taux pour l'inflation.

Pour autant, il reste du chemin à parcourir. En effet, certains préjudices de la victime augmentent plus vite que l'inflation comme par exemple les pertes de gains professionnels et les salaires de la tierce personne qui sont basés sur le Smic. Certaines victimes peuvent même avoir des revenus qui augmentent à un taux supérieur à l'indice Smic. En outre, il faudrait un jour envisager de tenir compte de la fiscalité dans le taux de capitalisation car même si le juge fixe l'indemnisation sans tenir compte de la fiscalité, les intérêts du placement de l'indemnité subissent pleinement l'impôt : or, c'est le montant des intérêts (et non celui du capital) qui détermine le taux de capitalisation.

Pour aller plus loin

Vous pouvez voir notre vidéo qui explique pourquoi le barème de capitalisation est le facteur principal qui explique les indemnisations record.

Voir notre vidéo sur l'influence majeure des barèmes de capitalisation

Vous pouvez utiliser notre application pour calculer le prix de rente d'un barème de capitalisation.

Calculer le prix de rente d'un barème de capitalisation

Vous pouvez consulter notre document afin de tout savoir sur la construction des barèmes de capitalisation.

Tout savoir sur les barèmes de capitalisation
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